j'ai juste envie de dire que je ne sais pas quoi dire Ce sont les derniers mots qu'a ?crits un des mes contacts Facebook sur son mur. Ensuite, il est sorti de chez lui et a mis fin ? ses jours. Terriblement abrupte comme ?pitaphe. Il avait mon ?...
Lire la suiteIn extenso
j'ai juste envie de dire que je ne sais pas quoi dire
Nous sommes nés seuls, nous vivons seuls, nous mourons seuls ce n'est que par notre amour et l'amitié que nous pouvons créer l'illusion d'un instant que nous ne sommes pas seuls.
Orson Welles
Vous voyez, je vous l'avais bien dit !Nous sommes dans le pire du possible et ça ne fait que commencer. Et notre passivité m'effraie, me tétanise, me cloue le bec. C'est une sorte d'apocalypse molle et silencieuse qui se propage inéluctablement du bas vers le haut. Et elle est totalement voulue, planifiée et amplifiée par chaque décision politique prise. J'ai du mal à croire à une cascade de coïncidences fortuites et malvenues.
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La crise d?lib?r
Pendant que les forces de la contestation sociale pansent leurs plaies dans leurs quartiers d'été, celles de l'argent ne relâchent pas leurs efforts pour nous enfoncer chaque jour un peu plus dans la merde.

La mairie indique avoir pris cette décision en collaboration avec les propriétaires de supermarchés, « face au risque pour la santé que peut comporter la consommation d'aliments jetés dans les conteneurs et l'alarme sociale que cela provoque ».
Le plus coûteux pour les collabos du système, c'est encore de parvenir à inventer des explications vaguement convaincantes de leurs petites lâchetés ordinaires. Cadenasser les poubelles, c'est tout sauf une préoccupation de santé publique. Il s'agit de la plus honteuse des soumissions à la logique purement marchande qui préfère laisser crever d'inanition plutôt que d'admettre que 50 % de la nourriture produite à grands frais de pesticides et de maltraitances agricoles ne parvient jamais jusqu'à une bouche humaine. Cadenasser les poubelles, c'est aussi raconter la logique purement génocidaire d'une société où il faut absolument de l'argent pour satisfaire nos besoins les plus élémentaires et où, non seulement, on prive de plus en plus de gens de la possibilité d'acquérir le minimum d'argent indispensable pour juste survivre un jour de plus, mais de surcroît, on fait en sorte que toute manière de survivre en dehors de la marchandise est totalement impossible. Il devient alors absolument impossible de concevoir la réalité et la profondeur de la misère actuelle en ce qu'elle est totalement voulue et assumée par ceux qui la créent et qu'elle est d'autant plus ignoble qu'elle se propage dans des sociétés où le nécessaire comme le superflu est surabondant et majoritairement gaspillé.
Les miséreux ont toujours eu le droit de glaner ce qu'ils ne pouvaient acquérir dans le système marchand. Ils ont toujours eu la possibilité d'occuper les interstices du système, de squatter les biens communs, de satisfaire leurs besoins fondamentaux, même si cela a toujours été de manière précaire et largement insatisfaisante : braconnage dans les campagnes, abris de fortune dans les lieux invisibles, glanage des restes dans les champs, les poubelles, les miettes de la bonne société des inclus. Aujourd'hui, il n'y pratiquement plus d'espace public commun, de terres à squatter, de surplus à glaner. Même la flotte appartient toujours à quelqu'un et fait dorénavant toujours l'objet d'un péage et d'un droit d'accès. Même chier ou dormir n'est plus gratuit : les campagnes sont hérissées de clôtures privatives, les villes s'habillent de mobilier hostile à celui qui cherche juste un peu de repos et même l'accès aux déchets encore consommables de notre société du mépris est devenu pratiquement impossible.
Voilà donc un système où se renchérit chaque jour l'accès aux ressources vitales (eau, nourriture, énergie, abris... etc.), où le travail des gens est toujours plus dévalué, où il y a toujours moins besoin de bras pour faire tourner la machine et il n'est plus possible de survivre en dehors de la matrice.
Où pensez-vous que nous mène réellement cette logique ? Croyez-vous réellement que les gens qui prétendent nous représenter, dans leur grande majorité, œuvrent actuellement à améliorer nos conditions de vie ? Êtes-vous réellement dupes de leurs discours qui nous expliquent que chaque mesure prise sans notre consentement l'est dans une logique de sortie de crise alors que les faits, de plus en plus têtus, nous démontrent précisément le contraire ?
Les gouvernements en place choisissent délibérément la rigueur tout comme ils choisissent délibérément la voie de la paupérisation de masse, et ils le font sous couvert de leur impuissance face aux lois implacables du Marché. Sauf que tout démontre que le Marché ne prend que la place que l'action politique veut bien lui laisser.
Il suffit d'un autre maire, dans une autre ville, pour décider que le supermarché ne sera pas le lieu de la confiscation du droit à vivre de certains, mais celui de la solidarité et de la redistribution, même partielle et encore insuffisante.
Le personnel politique a largement diffusé le récit de son impuissance afin d'en faire une vérité indépassable dont l'objet premier est de dissimuler aux yeux de la foule sa participation active et volontaire à l'entreprise mondiale de déconstruction du social. La récession qui ravage actuellement les classes populaires et menace les classes moyennes des grands pays industrialisés du monde n'est pas la démonstration de l'échec des politiques de rigueur mises en place depuis 2008, mais bien la preuve éclatante que le transfert global des richesses vers une petite part de l'humanité est en train d'entrer dans sa phase efficace.
La grande difficulté des experts politiques et économiques contemporains est bien de construire un discours permettant d'occulter cette réalité afin de convaincre les peuples de la nécessité absolue et inéluctable de poursuivre la refondation actuelle de notre civilisation quand bien même celle-ci repose de manière de plus en plus évidente sur l'éradication malthusienne du gros de leurs effectifs, c'est à dire par une succession de crises alimentaires, sanitaires et environnementales qui devraient fort « naturellement » réguler les populations surnuméraires, entendez par là, celles dont le capitalisme n'a rigoureusement plus besoin pour fonctionner à plein régime.
D'où l'intérêt de ne pas se laisser distraire par des discours trompeurs, des exploits sportifs, des analyses oiseuses ou des informations futiles et de ne pas rater les petites brèves qui en disent tellement plus sur l'état réel de notre monde.
D'où l'intérêt de comparer deux bleds que rien ne relie entre eux, si ce n'est que chacun est diamétralement opposé à l'autre sur le grand échiquier du nouvel ordre mondial émergent.
D'où l'intérêt de se rappeler que l'échelle de l'action politique prioritaire et efficace reste le local et que de petites initiatives peuvent, en frappant les esprits et en éclairant les consciences, déclencher les grands mouvements sociaux dont nous avons terriblement besoin pour stopper la machine qui s'active à nous broyer.

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Pendant que les forces de la contestation sociale pansent leurs plaies dans leurs quartiers d'été, celles de l'argent ne relâchent pas leurs efforts pour nous enfoncer chaque jour un peu plus dans la merde.

La mairie indique avoir pris cette décision en collaboration avec les propriétaires de supermarchés, « face au risque pour la santé que peut comporter la consommation d'aliments jetés dans les conteneurs et l'alarme sociale que cela provoque ».
Le plus coûteux pour les collabos du système, c'est encore de parvenir à inventer des explications vaguement convaincantes de leurs petites lâchetés ordinaires. Cadenasser les poubelles, c'est tout sauf une préoccupation de santé publique. Il s'agit de la plus honteuse des soumissions à la logique purement marchande qui préfère laisser crever d'inanition plutôt que d'admettre que 50 % de la nourriture produite à grands frais de pesticides et de maltraitances agricoles ne parvient jamais jusqu'à une bouche humaine. Cadenasser les poubelles, c'est aussi raconter la logique purement génocidaire d'une société où il faut absolument de l'argent pour satisfaire nos besoins les plus élémentaires et où, non seulement, on prive de plus en plus de gens de la possibilité d'acquérir le minimum d'argent indispensable pour juste survivre un jour de plus, mais de surcroît, on fait en sorte que toute manière de survivre en dehors de la marchandise est totalement impossible. Il devient alors absolument impossible de concevoir la réalité et la profondeur de la misère actuelle en ce qu'elle est totalement voulue et assumée par ceux qui la créent et qu'elle est d'autant plus ignoble qu'elle se propage dans des sociétés où le nécessaire comme le superflu est surabondant et majoritairement gaspillé.
Les miséreux ont toujours eu le droit de glaner ce qu'ils ne pouvaient acquérir dans le système marchand. Ils ont toujours eu la possibilité d'occuper les interstices du système, de squatter les biens communs, de satisfaire leurs besoins fondamentaux, même si cela a toujours été de manière précaire et largement insatisfaisante : braconnage dans les campagnes, abris de fortune dans les lieux invisibles, glanage des restes dans les champs, les poubelles, les miettes de la bonne société des inclus. Aujourd'hui, il n'y pratiquement plus d'espace public commun, de terres à squatter, de surplus à glaner. Même la flotte appartient toujours à quelqu'un et fait dorénavant toujours l'objet d'un péage et d'un droit d'accès. Même chier ou dormir n'est plus gratuit : les campagnes sont hérissées de clôtures privatives, les villes s'habillent de mobilier hostile à celui qui cherche juste un peu de repos et même l'accès aux déchets encore consommables de notre société du mépris est devenu pratiquement impossible.
Voilà donc un système où se renchérit chaque jour l'accès aux ressources vitales (eau, nourriture, énergie, abris... etc.), où le travail des gens est toujours plus dévalué, où il y a toujours moins besoin de bras pour faire tourner la machine et il n'est plus possible de survivre en dehors de la matrice.
Où pensez-vous que nous mène réellement cette logique ? Croyez-vous réellement que les gens qui prétendent nous représenter, dans leur grande majorité, œuvrent actuellement à améliorer nos conditions de vie ? Êtes-vous réellement dupes de leurs discours qui nous expliquent que chaque mesure prise sans notre consentement l'est dans une logique de sortie de crise alors que les faits, de plus en plus têtus, nous démontrent précisément le contraire ?
Les gouvernements en place choisissent délibérément la rigueur tout comme ils choisissent délibérément la voie de la paupérisation de masse, et ils le font sous couvert de leur impuissance face aux lois implacables du Marché. Sauf que tout démontre que le Marché ne prend que la place que l'action politique veut bien lui laisser.
Il suffit d'un autre maire, dans une autre ville, pour décider que le supermarché ne sera pas le lieu de la confiscation du droit à vivre de certains, mais celui de la solidarité et de la redistribution, même partielle et encore insuffisante.
Le personnel politique a largement diffusé le récit de son impuissance afin d'en faire une vérité indépassable dont l'objet premier est de dissimuler aux yeux de la foule sa participation active et volontaire à l'entreprise mondiale de déconstruction du social. La récession qui ravage actuellement les classes populaires et menace les classes moyennes des grands pays industrialisés du monde n'est pas la démonstration de l'échec des politiques de rigueur mises en place depuis 2008, mais bien la preuve éclatante que le transfert global des richesses vers une petite part de l'humanité est en train d'entrer dans sa phase efficace.
La grande difficulté des experts politiques et économiques contemporains est bien de construire un discours permettant d'occulter cette réalité afin de convaincre les peuples de la nécessité absolue et inéluctable de poursuivre la refondation actuelle de notre civilisation quand bien même celle-ci repose de manière de plus en plus évidente sur l'éradication malthusienne du gros de leurs effectifs, c'est à dire par une succession de crises alimentaires, sanitaires et environnementales qui devraient fort « naturellement » réguler les populations surnuméraires, entendez par là, celles dont le capitalisme n'a rigoureusement plus besoin pour fonctionner à plein régime.
D'où l'intérêt de ne pas se laisser distraire par des discours trompeurs, des exploits sportifs, des analyses oiseuses ou des informations futiles et de ne pas rater les petites brèves qui en disent tellement plus sur l'état réel de notre monde.
D'où l'intérêt de comparer deux bleds que rien ne relie entre eux, si ce n'est que chacun est diamétralement opposé à l'autre sur le grand échiquier du nouvel ordre mondial émergent.
D'où l'intérêt de se rappeler que l'échelle de l'action politique prioritaire et efficace reste le local et que de petites initiatives peuvent, en frappant les esprits et en éclairant les consciences, déclencher les grands mouvements sociaux dont nous avons terriblement besoin pour stopper la machine qui s'active à nous broyer.

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Pendant que les forces de la contestation sociale pansent leurs plaies dans leurs quartiers d'?t?, celles de l'argent ne rel?chent pas leurs efforts pour nous enfoncer chaque jour un peu plus dans la merde. Deux petites informations de rien qui s...
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Pendant que les forces de la contestation sociale pansent leurs plaies dans leurs quartiers d'été, celles de l'argent ne relâchent pas leurs efforts pour nous enfoncer chaque jour un peu plus dans la merde.

La mairie indique avoir pris cette décision en collaboration avec les propriétaires de supermarchés, « face au risque pour la santé que peut comporter la consommation d'aliments jetés dans les conteneurs et l'alarme sociale que cela provoque ».
Le plus coûteux pour les collabos du système, c'est encore de parvenir à inventer des explications vaguement convaincantes de leurs petites lâchetés ordinaires. Cadenasser les poubelles, c'est tout sauf une préoccupation de santé publique. Il s'agit de la plus honteuse des soumissions à la logique purement marchande qui préfère laisser crever d'inanition plutôt que d'admettre que 50 % de la nourriture produite à grands frais de pesticides et de maltraitances agricoles ne parvient jamais jusqu'à une bouche humaine. Cadenasser les poubelles, c'est aussi raconter la logique purement génocidaire d'une société où il faut absolument de l'argent pour satisfaire nos besoins les plus élémentaires et où, non seulement, on prive de plus en plus de gens de la possibilité d'acquérir le minimum d'argent indispensable pour juste survivre un jour de plus, mais de surcroît, on fait en sorte que toute manière de survivre en dehors de la marchandise est totalement impossible. Il devient alors absolument impossible de concevoir la réalité et la profondeur de la misère actuelle en ce qu'elle est totalement voulue et assumée par ceux qui la créent et qu'elle est d'autant plus ignoble qu'elle se propage dans des sociétés où le nécessaire comme le superflu est surabondant et majoritairement gaspillé.
Les miséreux ont toujours eu le droit de glaner ce qu'ils ne pouvaient acquérir dans le système marchand. Ils ont toujours eu la possibilité d'occuper les interstices du système, de squatter les biens communs, de satisfaire leurs besoins fondamentaux, même si cela a toujours été de manière précaire et largement insatisfaisante : braconnage dans les campagnes, abris de fortune dans les lieux invisibles, glanage des restes dans les champs, les poubelles, les miettes de la bonne société des inclus. Aujourd'hui, il n'y pratiquement plus d'espace public commun, de terres à squatter, de surplus à glaner. Même la flotte appartient toujours à quelqu'un et fait dorénavant toujours l'objet d'un péage et d'un droit d'accès. Même chier ou dormir n'est plus gratuit : les campagnes sont hérissées de clôtures privatives, les villes s'habillent de mobilier hostile à celui qui cherche juste un peu de repos et même l'accès aux déchets encore consommables de notre société du mépris est devenu pratiquement impossible.
Voilà donc un système où se renchérit chaque jour l'accès aux ressources vitales (eau, nourriture, énergie, abris... etc.), où le travail des gens est toujours plus dévalué, où il y a toujours moins besoin de bras pour faire tourner la machine et il n'est plus possible de survivre en dehors de la matrice.
Où pensez-vous que nous mène réellement cette logique ? Croyez-vous réellement que les gens qui prétendent nous représenter, dans leur grande majorité, œuvrent actuellement à améliorer nos conditions de vie ? Êtes-vous réellement dupes de leurs discours qui nous expliquent que chaque mesure prise sans notre consentement l'est dans une logique de sortie de crise alors que les faits, de plus en plus têtus, nous démontrent précisément le contraire ?
Les gouvernements en place choisissent délibérément la rigueur tout comme ils choisissent délibérément la voie de la paupérisation de masse, et ils le font sous couvert de leur impuissance face aux lois implacables du Marché. Sauf que tout démontre que le Marché ne prend que la place que l'action politique veut bien lui laisser.
Il suffit d'un autre maire, dans une autre ville, pour décider que le supermarché ne sera pas le lieu de la confiscation du droit à vivre de certains, mais celui de la solidarité et de la redistribution, même partielle et encore insuffisante.
Le personnel politique a largement diffusé le récit de son impuissance afin d'en faire une vérité indépassable dont l'objet premier est de dissimuler aux yeux de la foule sa participation active et volontaire à l'entreprise mondiale de déconstruction du social. La récession qui ravage actuellement les classes populaires et menace les classes moyennes des grands pays industrialisés du monde n'est pas la démonstration de l'échec des politiques de rigueur mises en place depuis 2008, mais bien la preuve éclatante que le transfert global des richesses vers une petite part de l'humanité est en train d'entrer dans sa phase efficace.
La grande difficulté des experts politiques et économiques contemporains est bien de construire un discours permettant d'occulter cette réalité afin de convaincre les peuples de la nécessité absolue et inéluctable de poursuivre la refondation actuelle de notre civilisation quand bien même celle-ci repose de manière de plus en plus évidente sur l'éradication malthusienne du gros de leurs effectifs, c'est à dire par une succession de crises alimentaires, sanitaires et environnementales qui devraient fort « naturellement » réguler les populations surnuméraires, entendez par là, celles dont le capitalisme n'a rigoureusement plus besoin pour fonctionner à plein régime.
D'où l'intérêt de ne pas se laisser distraire par des discours trompeurs, des exploits sportifs, des analyses oiseuses ou des informations futiles et de ne pas rater les petites brèves qui en disent tellement plus sur l'état réel de notre monde.
D'où l'intérêt de comparer deux bleds que rien ne relie entre eux, si ce n'est que chacun est diamétralement opposé à l'autre sur le grand échiquier du nouvel ordre mondial émergent.
D'où l'intérêt de se rappeler que l'échelle de l'action politique prioritaire et efficace reste le local et que de petites initiatives peuvent, en frappant les esprits et en éclairant les consciences, déclencher les grands mouvements sociaux dont nous avons terriblement besoin pour stopper la machine qui s'active à nous broyer.

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Lire la suiteKilling Descartes
Je voudrais travailler ? rendre les hommes plus profonds et meilleurs en les amenant ? r?fl?chir sur eux-m?mes. Je suis en d?saccord avec l'esprit de ce temps, parce qu'il est plein de m?pris pour la pens?e... L'homme moderne, surmen? de trav...
Lire la suiteKilling Descartes
Albert Schweitzer, À l'orée de la forêt vierge, préface.Je voudrais travailler à rendre les hommes plus profonds et meilleurs en les amenant à réfléchir sur eux-mêmes. Je suis en désaccord avec l'esprit de ce temps, parce qu'il est plein de mépris pour la pensée... L'homme moderne, surmené de travail, n'est plus capable de véritable recueillement, et il perd sa spiritualité dans tous les domaines... Or, la renonciation à la pensée est la faillite de l'esprit.

De la distraction, oui, comme évidence technologique pendant que les orateurs défilent sur fond d'écran géant, devenant étrangement les commentaires vivants des vrais clous du spectacle, à savoir leurs foutus sliders PowerPoint. Cette constatation est d'autant plus vraie que la technologie, puisqu'il s'agissait bien du sujet de cette année, a plutôt tendance à prendre le pas sur l'homme de science, le slider s'agrémentant de musiques et de vidéos. Je commençais à me demander qui de la machine ou de l'homme fait le show, quand est arrivée la seule intervenante du jour, son iPad greffé au creux du coude. Je sais, par expérience assez directe, que tout le monde n'est pas à l'aise dans la communication orale et je me souviens des colloques organisés annuellement par mon ancien laboratoire de recherche, histoire, probablement, de nous préparer à ce genre d'épreuve qui fait partie de la vie normale et nécessaire du chercheur, apprenti ou confirmé.
Là, je sais tout de suite qu'elle souffre.
Et que son iPad est sa bouée, son pupitre, son pense-bête, tout. Elle lit son exposé sans parvenir à décoller du texte, elle peine à insuffler un rythme et puis, c'est le drame : la tablette se met en veille et la voilà obligée de se traîner ce poids mort coincé à son bras. Étrange démonstration par l'absurde de la dépendance technologique, celle que je fuis sans jamais pouvoir y échapper, celle que j'apprivoise, à laquelle je ne fais de concessions que parce que je m’astreins, par ailleurs, à cultiver mon autonomie technologique par tous les moyens.
La soirée est déjà bien avancée quand arrive l'homme seul. Il débarque sans ordi, sans pointeur laser et avec un sens assez consommé de la mise en scène, il s'installe ostensiblement seul dans un coin de l'immense scène à présent presque complètement plongée dans la pénombre. Il s'assied posément sur une chaise d'une outrageante banalité, chausse ses lorgnons de jeune vieillesse et pose ses notes de papier sur ses genoux croisés. Sa seule présence, sa seule installation sont la démonstration incorporée de l'autonomie de la machine humaine sur la distraction technologique. Pas d'effets, pas d'images, pas de son, pas de grands mouvements de scène, juste un homme sur une chaise qui déploie patiemment ses idées, qui inocule son propre rythme, qui peut choisir de digresser dans son discours ou de ne pas arriver où on l'attend. Et la lumière ne naît que de ses paroles, que de son processus intellectuel endogène. Il relègue la machine au rang d'accessoire ou de prothèse de l'humain et rejette, dans son seul comportement, notre indépassable soumission à l'ordre technologique. Et là, seulement équipé de ses lunettes et de ses feuilles de notes, il dessine à grands traits la dystopie de la transhumanité, transformant sa propre intervention en démonstration de son propos.
L'homme-machine de Descartes devient le machin de la prouesse technologique, pense qu'il est noble de chercher à repousser ses limites alors qu'il ne parvient même pas à suffisamment se penser lui-même pour parvenir à les tracer. Nous rêvons nous-mêmes de devenir des moutons électriques parce que nous avons renoncé à interroger notre propre humanité et que nous croyons sincèrement nous améliorer en l'aliénant à la technologie.
Je regarde cet homme assis tout seul sur sa grande estrade vide et je reviens toujours à la même question : qu'est-ce qui est vraiment important dans tout cet immonde foutoir qu'est notre monde ?

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Lire la suiteKilling Descartes
Albert Schweitzer, À l'orée de la forêt vierge, préface.Je voudrais travailler à rendre les hommes plus profonds et meilleurs en les amenant à réfléchir sur eux-mêmes. Je suis en désaccord avec l'esprit de ce temps, parce qu'il est plein de mépris pour la pensée... L'homme moderne, surmené de travail, n'est plus capable de véritable recueillement, et il perd sa spiritualité dans tous les domaines... Or, la renonciation à la pensée est la faillite de l'esprit.

De la distraction, oui, comme évidence technologique pendant que les orateurs défilent sur fond d'écran géant, devenant étrangement les commentaires vivants des vrais clous du spectacle, à savoir leurs foutus sliders PowerPoint. Cette constatation est d'autant plus vraie que la technologie, puisqu'il s'agissait bien du sujet de cette année, a plutôt tendance à prendre le pas sur l'homme de science, le slider s'agrémentant de musiques et de vidéos. Je commençais à me demander qui de la machine ou de l'homme fait le show, quand est arrivée la seule intervenante du jour, son iPad greffé au creux du coude. Je sais, par expérience assez directe, que tout le monde n'est pas à l'aise dans la communication orale et je me souviens des colloques organisés annuellement par mon ancien laboratoire de recherche, histoire, probablement, de nous préparer à ce genre d'épreuve qui fait partie de la vie normale et nécessaire du chercheur, apprenti ou confirmé.
Là, je sais tout de suite qu'elle souffre.
Et que son iPad est sa bouée, son pupitre, son pense-bête, tout. Elle lit son exposé sans parvenir à décoller du texte, elle peine à insuffler un rythme et puis, c'est le drame : la tablette se met en veille et la voilà obligée de se traîner ce poids mort coincé à son bras. Étrange démonstration par l'absurde de la dépendance technologique, celle que je fuis sans jamais pouvoir y échapper, celle que j'apprivoise, à laquelle je ne fais de concessions que parce que je m’astreins, par ailleurs, à cultiver mon autonomie technologique par tous les moyens.
La soirée est déjà bien avancée quand arrive l'homme seul. Il débarque sans ordi, sans pointeur laser et avec un sens assez consommé de la mise en scène, il s'installe ostensiblement seul dans un coin de l'immense scène à présent presque complètement plongée dans la pénombre. Il s'assied posément sur une chaise d'une outrageante banalité, chausse ses lorgnons de jeune vieillesse et pose ses notes de papier sur ses genoux croisés. Sa seule présence, sa seule installation sont la démonstration incorporée de l'autonomie de la machine humaine sur la distraction technologique. Pas d'effets, pas d'images, pas de son, pas de grands mouvements de scène, juste un homme sur une chaise qui déploie patiemment ses idées, qui inocule son propre rythme, qui peut choisir de digresser dans son discours ou de ne pas arriver où on l'attend. Et la lumière ne naît que de ses paroles, que de son processus intellectuel endogène. Il relègue la machine au rang d'accessoire ou de prothèse de l'humain et rejette, dans son seul comportement, notre indépassable soumission à l'ordre technologique. Et là, seulement équipé de ses lunettes et de ses feuilles de notes, il dessine à grands traits la dystopie de la transhumanité, transformant sa propre intervention en démonstration de son propos.
L'homme-machine de Descartes devient le machin de la prouesse technologique, pense qu'il est noble de chercher à repousser ses limites alors qu'il ne parvient même pas à suffisamment se penser lui-même pour parvenir à les tracer. Nous rêvons nous-mêmes de devenir des moutons électriques parce que nous avons renoncé à interroger notre propre humanité et que nous croyons sincèrement nous améliorer en l'aliénant à la technologie.
Je regarde cet homme assis tout seul sur sa grande estrade vide et je reviens toujours à la même question : qu'est-ce qui est vraiment important dans tout cet immonde foutoir qu'est notre monde ?

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Lire la suitePanne d’horizon
Le ciel marbr? de nuages tendres, la terre qui s'agrippe dans la pente et l'humus odorant qui colle ? nos pas dans l'impressionnante cath?drale v?g?tale des bois?: nous progressons lentement dans un film de Miyazaki et ? chaque instant, je ...
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Le ciel marbr? de nuages tendres, la terre qui s'agrippe dans la pente et l'humus odorant qui colle ? nos pas dans l'impressionnante cath?drale v?g?tale des bois?: nous progressons lentement dans un film de Miyazaki et ? chaque instant, je ...
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Le ciel marbré de nuages tendres, la terre qui s'agrippe dans la pente et l'humus odorant qui colle à nos pas dans l'impressionnante cathédrale végétale des bois : nous progressons lentement dans un film de Miyazaki et à chaque instant, je guette du coin de l'œil l'apparition furtive d'un sylvain ou d'un esprit de la forêt. Le sentiment de quiétude est total, puissant et comme chaque fois que j'arpente la montagne, je me sens vivre pleinement.
J'ai bien tenté d'entraîner des gens que j'apprécie dans ma foulée, mais la plupart d'entre eux sont restés prisonniers de la plaine et de ses festivités factices et mercantiles.
En haut, en bas. Il faut aussi des lieux qui facilitent les échanges, des temporalités qui laissent le temps aux liens de se créer et de se renforcer, comme des évidences.
Je me rends compte de l'étonnante simplicité de la dichotomie humaine. Ce ne sont pas que nos corps qui s'élèvent dans les raidillons, c'est toute notre humanité qui en sort grandie.
Ils sont comme un quatuor de poussins tombés du nid, étrangement décalés dans la magnificence du décor de géants. Je leur demande de loin s'ils veulent de l'aide, ils se rétractent à l'intérieur de leurs t-shirts comme l'escargot devant le court-bouillon. Non, non, ça va, ils ne font que passer. Ils font front, ne se dérident pas et poursuivent leur route d'un pas pressé et quelque peu anxieux, comme s'ils avaient senti peser une menace dans mon interpellation. Ils n'ont ni sacs, ni chaussures de marche. Je comprends alors qu'ils ne font vraiment que passer, qu'ils ne sont même pas là, qu'ils ont dû pousser leur voiture climatisée le plus loin possible sur le chemin forestier pour se payer un échantillon de montagne, tout comme ils se nourrissent au Drive In. Consommateurs et donc pas participants. Inquiets, méfiants.
Ils ne font que passer.
Tout le temps.
Plus haut, on s'est perdu. Petit défaut de balisage. Alors on s'est rapproché d'un autre groupe qui étire sa sieste plus loin.
Mais non, on est trop bas. Il faut passer la crête de caillasse, plus haut, vers les herbages où paissent les chevaux de montagne.
Tous s'empressent de nous conseiller, de raconter le circuit. L'un d'entre eux farfouille dans son sac pour nous dégoter le topo à jour de la randonnée. Je sais que si nous étions arrivés plus tôt, on aurait probablement mangé ensemble et mis en commun nos provisions. On leur laisse un peu d'avance pour ne pas s'imposer, mais on se retrouvera plus bas, à chaque pause et on finira immanquablement par arriver aux voitures tous ensemble, commentant les passages un peu difficiles, impatients d'ôter les groles de montagne, de partager trois biscuits, de nous affaler dans les fauteuils des bagnoles. J'aime cette convivialité franche, simple et improvisée. Il ne s'agit là que de rencontres fortuites, de bons moments partagés, de salves d'anecdotes. Je ne pense pas être redescendue une seule fois de la montagne sans avoir eu le droit à l'histoire éternelle de la pire randonnée, de la grimpe de la mort ou de l'orage le plus terrifiant de tous les temps.
Cela nourrit mon humanité.
Ensuite, il me faut redescendre sur terre, rejoindre la vallée des ombres, revenir au bled et retourner jouter dans les allées étriquées de la marchandisation, affronter cette sorte de colère sourde qui ponctue le quotidien de tant de gens, lutter contre l'âpreté méfiante des rapports humains en milieu civilisé où chacun soupçonne tous les autres d'en vouloir à sa bourse, à ses biens, à ses miettes de confort et de bonheur factice, et le plus souvent, à juste raison.
Et encore, jusqu'ici tout va bien. On ne manque de rien, nous ne sommes pas en guerre. Imagine seulement s'il n'y avait plus assez à bouffer pour tout le monde.
Non, là, je n'imagine rien, je ne veux même pas y penser.
Les jours succèdent aux mois et nous avons de plus en plus des mentalités d'assiégés. On ressent ce lent délitement des rapports humains, des structures sociales, mais non, pour l'instant, malgré tout, ça va encore. Et en même temps, rien ne va plus, les jeux sont faits. La frénésie de la jouissance immédiate et sans conscience de tout s'exacerbe chaque jour un peu plus, creuse les frustrations et crispe les corps et les visages. Tout n'est plus que tension, mépris et confrontation larvée.
L'autre jour, je laisse ma place dans la file d'attente. Parce que je ne suis pas à la minute près, parce que c'était logique. Le gars a eu la tête d'une bête traquée, il craignait le piège, l'embuscade.
J'ai dû me justifier. Habituellement, je récolte un sourire surpris plutôt qu'une grimace anxieuse.
Il était empêtré avec ses trois conneries au creux du bras, il se demandait ce que je lui voulais, ce que ce geste inattendu pouvait cacher. Je ne pense pas pourtant être de nature à nourrir l'inquiétude autour de moi.
Je pense qu'il avait juste oublié jusqu'à l'existence de la plus élémentaire courtoisie, celle qui nous fait faire des tas de petits gestes inutiles, qui nous pousse à cultiver la bienveillance, juste pour huiler un peu la mécanique subtile des rapports humains.

Album photo de la randonnée
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Le ciel marbré de nuages tendres, la terre qui s'agrippe dans la pente et l'humus odorant qui colle à nos pas dans l'impressionnante cathédrale végétale des bois : nous progressons lentement dans un film de Miyazaki et à chaque instant, je guette du coin de l'œil l'apparition furtive d'un sylvain ou d'un esprit de la forêt. Le sentiment de quiétude est total, puissant et comme chaque fois que j'arpente la montagne, je me sens vivre pleinement.
J'ai bien tenté d'entraîner des gens que j'apprécie dans ma foulée, mais la plupart d'entre eux sont restés prisonniers de la plaine et de ses festivités factices et mercantiles.
En haut, en bas. Il faut aussi des lieux qui facilitent les échanges, des temporalités qui laissent le temps aux liens de se créer et de se renforcer, comme des évidences.
Je me rends compte de l'étonnante simplicité de la dichotomie humaine. Ce ne sont pas que nos corps qui s'élèvent dans les raidillons, c'est toute notre humanité qui en sort grandie.
Ils sont comme un quatuor de poussins tombés du nid, étrangement décalés dans la magnificence du décor de géants. Je leur demande de loin s'ils veulent de l'aide, ils se rétractent à l'intérieur de leurs t-shirts comme l'escargot devant le court-bouillon. Non, non, ça va, ils ne font que passer. Ils font front, ne se dérident pas et poursuivent leur route d'un pas pressé et quelque peu anxieux, comme s'ils avaient senti peser une menace dans mon interpellation. Ils n'ont ni sacs, ni chaussures de marche. Je comprends alors qu'ils ne font vraiment que passer, qu'ils ne sont même pas là, qu'ils ont dû pousser leur voiture climatisée le plus loin possible sur le chemin forestier pour se payer un échantillon de montagne, tout comme ils se nourrissent au Drive In. Consommateurs et donc pas participants. Inquiets, méfiants.
Ils ne font que passer.
Tout le temps.
Plus haut, on s'est perdu. Petit défaut de balisage. Alors on s'est rapproché d'un autre groupe qui étire sa sieste plus loin.
Mais non, on est trop bas. Il faut passer la crête de caillasse, plus haut, vers les herbages où paissent les chevaux de montagne.
Tous s'empressent de nous conseiller, de raconter le circuit. L'un d'entre eux farfouille dans son sac pour nous dégoter le topo à jour de la randonnée. Je sais que si nous étions arrivés plus tôt, on aurait probablement mangé ensemble et mis en commun nos provisions. On leur laisse un peu d'avance pour ne pas s'imposer, mais on se retrouvera plus bas, à chaque pause et on finira immanquablement par arriver aux voitures tous ensemble, commentant les passages un peu difficiles, impatients d'ôter les groles de montagne, de partager trois biscuits, de nous affaler dans les fauteuils des bagnoles. J'aime cette convivialité franche, simple et improvisée. Il ne s'agit là que de rencontres fortuites, de bons moments partagés, de salves d'anecdotes. Je ne pense pas être redescendue une seule fois de la montagne sans avoir eu le droit à l'histoire éternelle de la pire randonnée, de la grimpe de la mort ou de l'orage le plus terrifiant de tous les temps.
Cela nourrit mon humanité.
Ensuite, il me faut redescendre sur terre, rejoindre la vallée des ombres, revenir au bled et retourner jouter dans les allées étriquées de la marchandisation, affronter cette sorte de colère sourde qui ponctue le quotidien de tant de gens, lutter contre l'âpreté méfiante des rapports humains en milieu civilisé où chacun soupçonne tous les autres d'en vouloir à sa bourse, à ses biens, à ses miettes de confort et de bonheur factice, et le plus souvent, à juste raison.
Et encore, jusqu'ici tout va bien. On ne manque de rien, nous ne sommes pas en guerre. Imagine seulement s'il n'y avait plus assez à bouffer pour tout le monde.
Non, là, je n'imagine rien, je ne veux même pas y penser.
Les jours succèdent aux mois et nous avons de plus en plus des mentalités d'assiégés. On ressent ce lent délitement des rapports humains, des structures sociales, mais non, pour l'instant, malgré tout, ça va encore. Et en même temps, rien ne va plus, les jeux sont faits. La frénésie de la jouissance immédiate et sans conscience de tout s'exacerbe chaque jour un peu plus, creuse les frustrations et crispe les corps et les visages. Tout n'est plus que tension, mépris et confrontation larvée.
L'autre jour, je laisse ma place dans la file d'attente. Parce que je ne suis pas à la minute près, parce que c'était logique. Le gars a eu la tête d'une bête traquée, il craignait le piège, l'embuscade.
J'ai dû me justifier. Habituellement, je récolte un sourire surpris plutôt qu'une grimace anxieuse.
Il était empêtré avec ses trois conneries au creux du bras, il se demandait ce que je lui voulais, ce que ce geste inattendu pouvait cacher. Je ne pense pas pourtant être de nature à nourrir l'inquiétude autour de moi.
Je pense qu'il avait juste oublié jusqu'à l'existence de la plus élémentaire courtoisie, celle qui nous fait faire des tas de petits gestes inutiles, qui nous pousse à cultiver la bienveillance, juste pour huiler un peu la mécanique subtile des rapports humains.

Album photo de la randonnée
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Les grandes guerres impérialistes avaient débité de la gueule cassée à la tonne, la grande guerre du capitalisme dégueule ses corps brisés sans même s'en soucier.

C'est sa force de travail qui a forcé mon admiration au départ. Été comme hiver, il faut vraiment un temps de chacal pour l'empêcher d'aller trimer aux vignes. C'est physique les vignes, mais bizarrement, par ici, c'est de plus en plus un boulot de femmes. Donc elle se fait cramer la couenne ou geler les orteils par tous les temps. Et vas-y que je te rabats les flèches, et que je te tire les sarments et que je te taille les grappes ! Déjà l'année dernière, elle avait été arrêtée, puis opérée. Le canal carpien. Ou plutôt on devrait dire les canaux carpiens, mais ça sonne moche. C'est qu'en plus des vignes, il y a les canards. Toujours besoin de bras, les canards. Et ça tombe bien, c'est la nuit. La nuit, elle cueille les palmipèdes dans leur sommeil pour les transferts à l'abattoir. Avant l'aube, c'est pour le gavage. Hop, elle choppe le bestiau, le colle sous son coude, bien serré, paf, elle le gave et elle passe au suivant. C'est bien parce que ça lui permet d'être à la maison pour réveiller les gosses et les emmener à l'école. Cela dit, à force de tirer sur les bras, ça a tendance à coincer. Luxation à l'épaule. Tendinites à répétition aux coudes. Plus les canaux carpiens. Je m'en souviens bien de cette période, elle ne pouvait même plus s'habiller seule. Pour pisser, il lui avait fallu se tortiller pendant des plombes pour réussir à virer la culotte.
Quand le coup des canaux carpiens a passé, je me suis dit qu'elle allait enfin aller mieux. Mais ça n'a pas duré. Là, c'est le dos qui l'a lâchée. Faut dire que lui aussi, il prend cher, et depuis longtemps. Parce qu'en plus de la vigne le jour et les canards la nuit, elle se fait des extra le WE. Je crois qu'elle fait le service au circuit automobile. Pour compléter. Elles sont pas mal à compléter, par ici. Forcément, ça force le respect, tout ça. Ça lui fait aussi des journées bien remplies. En tout cas plus que son porte-feuille. Je me demande si elle continue les ménages. Une heure par ci, une autre par là.
Elle ne se plaint pas. Elle a son caractère. Sa fierté. Un jour, je lui ai dit qu'elle m'épatait. Mais je crois qu'elle a pensé que je me payais sa fiole.
L'autre jour, j'ai croisé son ex. On a parlé de son dos, de ses douleurs à répétition, du fait qu'elle ne peut plus arquer. Que je crois sincèrement que c'est quelqu'un de solide qui est juste en train de se tuer à la tâche. Que son corps la lâche, irrémédiablement. Qu'il lui faudrait un autre boulot, d'urgence.
Mais qu'est-ce que tu veux ? Par ici, sans avoir bossé assez à l'école, y a pas vraiment le choix.
Ah oui, j'oubliais : elle est plus jeune que moi.
Vous direz ce que vous voudrez, c'est une hernie discale, j'en suis sûre !
Tu étais en accident de travail au moins ?
Tu parles, le médecin du travail a dit que ça n'avait rien à voir avec le boulot.
Elle aussi, elle est plus jeune que moi.
J'en connais plein des comme ça. Le menuisier qui s'est fait aplatir l'index dans le tour et qu'on n'a pas jugé utile d'envoyer en clinique de la main. Ou ce maçon, à peine plus vieux que moi qui a perdu une partie de la flexibilité de ses doigts et à qui on a répondu qu'il allait devoir faire avec. Et ces dos, tous ces dos ! Ils disent que c'est la maladie du siècle. Je réponds que c'est le symptôme du productivisme, de l'indifférence de la machine envers ceux qu'elle utilise chaque jour, qu'elle broie et qu'elle jette quand elle ne peut plus rien en tirer. Sans compter tous les autres, comme le technicien offset qui a sniffé des solvants toute sa vie, mais qui claquera un peu après son pot de retraite, d'un cancer du sang ou des voies respiratoires. Ou tous ces agriculteurs à qui ont n'a pas toujours dit qu'il fallait s'habiller comme un astronaute pour manipuler leurs putains de produits. Qui ne s'étonnent même pas qu'il faille une combinaison intégrale pour traiter ce que l'on doit manger plus tard. Qui, quand on leur parle toxicité des phytosanitaires, lèvent les yeux au ciel et te répondent que ce n'est pas si cher payé pour avoir le privilège de nourrir sa famille.

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Les grandes guerres imp?rialistes avaient d?bit? de la gueule cass?e ? la tonne, la grande guerre du capitalisme d?gueule ses corps bris?s sans m?me s'en soucier. Elle s'extrait de la voiture ? grand-peine, ? la fois raide et vo?t?e, et ...
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